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Penser le droit en dehors des frontières nationales

La délégation de l'Université de Sherbrooke à l'école d'été de l'Université de Salzbourg : William-Philippe Cambron, Isabelle Côté, Mathieu Devinat, Diana Brindusa Ionescu et Jérome Turcotte.
La délégation de l'Université de Sherbrooke à l'école d'été de l'Université de Salzbourg : William-Philippe Cambron, Isabelle Côté, Mathieu Devinat, Diana Brindusa Ionescu et Jérome Turcotte.

14 août 2008

Diane Bergeron

Imaginez-vous étudier 30 systèmes juridiques en 5 langues. Ajoutez à cela l'inventaire d'interprétations d'une même loi en fonction de l'histoire et de la culture de diverses nations. Exercice costaud, n'est-ce pas? Pour des juristes curieux et ouverts d'esprit, l'expérience vient enrichir la conception même que l'on se fait du droit. C'est ce bagage intellectuel unique que ramènent d'Autriche William-Philippe Cambron, Isabelle Côté, Diana Brindusa Ionescu et Jérôme Turcotte. Ces étudiants ont eu la chance de participer à l'école d'été de droit privé européen de l'Université de Salzbourg en compagnie du professeur Mathieu Devinat.

«Ce genre de rencontre d'opinions divergentes nous pousse, en tant qu'étudiants en droit, à disséquer notre propre raisonnement juridique derrière les concepts qu'on apprend trop souvent par cœur à l'université, soutient Diana Brindusa Ionescu. L'exercice ne peut qu'être bénéfique à long terme puisqu'il permet de mieux comprendre le droit qu'on va pratiquer ainsi que ses limites.»

Professeur à la Faculté de droit, Mathieu Devinat en était à sa 3participation à cet événement qui réunissait cette année quelque 115 participants. Depuis deux ans, il relève le défi de présenter en anglais les systèmes juridiques canadien et québécois dans un cours de trois heures, en plus d'animer plusieurs séminaires.

Le droit privé canadien : un exemple

Le droit privé régit les rapports entre les individus. Il englobe le droit de la famille, la responsabilité civile, les contrats et le droit de propriété. Depuis plus de 10 ans, l'Europe songe à harmoniser certains aspects du droit privé, comme les contrats et la responsabilité civile. Cette volonté d'unification, justifiée par les échanges commerciaux, suscite de fortes réticences. Pour ceux qui prônent le respect de la diversité, le système canadien fait figure d'exemple.

«Le droit canadien intègre le droit civil, d'inspiration française, et la common law, d'inspiration anglaise. Or ces deux systèmes sont souvent décrits comme étant inconciliables. Au Canada, non seulement ces systèmes se côtoient, mais ils s'influencent tout en préservant leur identité», explique le professeur Devinat.

L'expérience canadienne suscite également l'intérêt des juristes européens parce qu'elle s'incarne dans un pays qui a deux langues officielles. Or le plurilinguisme et les enjeux liés à la traduction juridique préoccupent les pays membres de l'Union européenne, qui elle, compte 20 langues officielles.

Un modèle apprécié

L'école d'été de droit privé de l'Université de Salzbourg est le seul programme qui met tous les systèmes nationaux de droit privé sur un même pied d'égalité. La philosophie de son fondateur, Michael Rainer, consiste à valoriser les traits fondamentaux de chaque système. Cette façon de penser le droit en dehors des frontières nationales a trouvé un adepte chez le professeur Devinat. «Ce n'est pas parce qu'un système dessert 50 millions d'habitants qu'il devrait avoir préséance sur un autre qui en dessert 300 000.»

Un autre mérite de l'école d'été de Salzbourg consiste à rassembler des jeunes professeurs, des sommités et des étudiants, tous d'origines diverses. «Je suis fier de pouvoir faire vivre l'expérience aux étudiants de l'Université de Sherbrooke, dit le professeur Devinat. C'est la 2année que nous avons des étudiants participants et ils font honneur à notre établissement par leur maturité et l'intelligence de leurs questions.»

L'école d'été en elle-même est porteuse de maturité, comme en témoigne Diana Brindusa Ionescu : «En écoutant les leçons sur le droit allemand, je pouvais facilement appréhender un monde de pensée juridique différent, tout aussi logique et applicable que le nôtre. De quoi remettre en perspective nos certitudes et notre interprétation parfois trop stricte de nos règles de droit. Cette ouverture est un atout pour un juriste qui souhaite faire évoluer le droit au lieu de simplement l'appliquer aveuglément.»

À quand une école d'été de droit privé des Amériques?